Fabien Ribéry parle de Littoral Marseille
Sur le littoral marseillais, l’être humain est en effet partout, allongé ou prêt à plonger, marchant ou nageant, à la Pointe d’Endoume, le long de la Corniche Kennedy, à l’Anse de Maldormé, à la plage du Prado, au Vallon des Auffes, à la Plage des Catalans.
« De l’Estaque aux Calanques, écrit l’anthropologue Michel Peraldi, le littoral marseillais forme une ligne continue de 57 kilomètres. Mais si l’on pouvait déplier toutes les anses, toutes les criques, aligner les côtes des îles et mettre bout à bout tous les quais, toutes les digues, il représenterait une très vaste étendue dont chaque mètre est scrupuleusement utilisé par les citadins pour accéder à la mer, y déployer des activités sur une large zone qui, malgré les imaginaires, les tempêtes et les apparences, n’a rien, absolument rien, de sauvage. »
Cette impression d’omniprésence n’est pas fausse, mais la photographe Elise Llinarès sait aussi trouver le vide dans le plein, l’absence dans l’abondance, isolant des personnages, fixant son regard sur des objets abandonnés, des chaises en attente, des hangars, des installations portuaires.
Dans une palette chromatique d’une très grande douceur, Elise Llinarès observe sur papier glacé les habitants d’un lieu privilégié, béni des dieux grecs par la lumière.
Deux minots posent, le corps juché sur une machine à laver mise au rebut.
Sur l’étal du Vieux Port, il y a une hécatombe de sardines.
Un vieux Comorien, impérial sous sa coiffe, contemple sans défi la regardeuse, tandis qu’une grue verte décharge les containers de la mondialisation.
L’eau est d’une transparence céleste, sous l’œil inquiet des villas luxueuses privatisant la côte.
Il y a des barques au repos et des belles de rivage attendant le grand amour.
Il y a un festin pour les mouettes du Panier.
Un jeune Black escalade horizontalement de gros blocs de pierre place de l’Hôtel de Ville.
Des filets de pêche et des maisons ayant échappé à la voracité des promoteurs immobiliers.
Des bars s’avançant dans la mer.
Des rails et des routes automobiles, des escaliers et des palissades en bois.
C’est le théâtre de Marseille, des ouvriers en bleu de travail, des gamins torse nu et des pythies éternelles.
Des cabanons, des casiers, des transats à louer.
Des cafés délaissés, des maillots de bain rouges et des envies de départ.
Marseille nique la police mais l’aime aussi parfois.
Marseille a la beauté sauvage du peuple et de l’anarchie.
Littoral Marseille est un livre d’aventures calmes et bénéfiques.
C’est une fiction méditative, et surtout pas un reportage de plus.
-Fabien Ribéry.